Une méthodologie de conception des systèmes d'information est bonne si elle pose l'ensemble des problèmes et y apportent des réponses (les étapes définies dans le processus permettent d'identifier et de décrire les objectifs visés par cette méthodologie).
Il nous a semblé intéressant de recadrer les méthodes de conception des SI dans leur perspective historique.
Le paradigme d'Anthony
L'approche classique en matière de méthodologie s'appuie sur le paradigme d'Anthony, même si de l'avis de bon nombre de concepteurs ce paradigme est mort, force est de constater qu'il est toujours bien présent dans les entreprises à ce jour.
Le paradigme d'Anthony considère les trois éléments suivants :
planification stratégique,
contrôle de gestion,
gestion opérationnelle / exploitation.
La planification stratégique
Le processus de décision sur les objectifs de l'entreprise, leur changement éventuel, les ressources utilisées pour atteindre ces objectifs et sur les politiques d'acquisition, d'utilisation et d'organisation des ressources (diversification, acquisition, redimentionnement).
Le contrôle de gestion
Le processus grâce auquel les managers s'assurent que dans la poursuite des objectifs de l'entreprise, les ressources sont obtenues et utilisées de façon efficace et rentable (exploitation de l'entreprise suivant les orientations définies par le plan stratégique).
La gestion opérationnelle
Le processus qui permet de s'assurer que les tâches spécifiques sont accomplies de façon efficace et rentable (contrôler l'exécution).
Ces trois processus sont ordonnés hiérarchiquement.
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Figure 5.1.1. Schéma de l'approche classique (paradigme d'Anthony)
Ce découpage a aidé au développement de la discipline du management de l'information. Chercheurs, consultants et praticiens ont raffiné et étendu ce processus de développement interne donc, tourné principalement vers l'entreprise.
L'accent est mis sur :
les processus internes,
l'automatisation des procédures,
la satisfaction des besoins en information des dirigeants.
Dans une optique d'évolution, cette discipline doit trouver de nouvelles bases conceptuelles car l'approche classique n'intègre pas les opportunités liées à l'informatique stratégique étant donné qu'elle ne prend pas en compte l'environnement.
L'approche classique ne reconnaît que deux catégories de SI :
les SI Opérationnels,
les SI d'Aide au Management comprenant (les Systèmes d'Aide à la Décision (SAD) et les Systèmes d'Information de Gestion (SIG).
L'approche nouvelle en matière d'informatique stratégique intègre la perspective stratégique.
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Figure 5.1.2. Schéma intégrant le SI Stratégique (environnement)
L'image de "lunettes conceptuelles" est utilisée par WISEMAN pour qualifier l'approche commune des différentes méthodes depuis le paradigme d'Anthony .
La méthodologie des stades de NOLAN
La méthodologie des stades de NOLAN identifie 4 stades de développement de l'informatique dans l'entreprise donnant une vue globale et positionnant l'entreprise sur une grille de lecture aidant le consultant en SI à former son image de représentation.
Ces 4 stades sont les suivants :
1° Stade : INITIATION (représente l'achat du micro),
2° Stade : CONTAGION (développement d'applications tous azimuts),
3° Stade : CONTRÔLE (prolifération des mécanismes de contrôle),
4° Stade : INTÉGRATION (orientation vers le service aux utilisateurs).
Un 5° et 6° point ont été rajoutés par NOLAN par la suite :
5° Stade : ADMINISTRATION (management des ressources informationnelles),
6° Stade : MATURITÉ.
Chaque point fait référence à :
- la technologie,
- l'organisation des traitements,
- la compétence des utilisateurs,
- la gestion et le contrôle de l'informatique,
- le portefeuille d'applications de l'entreprise.
Les étapes de la méthodologie appliquées comprennent :
1° étape : définir les fonctions de l'entreprise (portefeuille d'applications potentielles). ex : production, marketing, distribution, finance, compta., gestion du personnel / administrative.
2° étape : le rôle joué par l'informatique dans chaque fonction.
3° étape : l'utilisation d'une échelle en 10 points pour comparer les étapes 1 & 2 et identifier les écarts entre l'état actuel par rapport à ce qui devrait être suivant le cadre d'analyse.
4° étape : filtrage via une typologie en 3 éléments :
Planification stratégique : prévisions économiques, planification, plans stratégiques et opérationnels, l'analyse des ventes et de la rentabilité.
Contrôle de gestion : les achats, gestion et évaluation des stocks, analyse marketing.
Gestion opérationnelle : trésorerie, gestion des machines, des comptes tiers, la paie, le grand livre et la gestion des titres.
NOTA : La méthode ne permet pas d'identifier et de décrire les possibilités d'applications stratégiques.
La méthode des facteurs critiques de succès
La méthode des facteurs critiques de succès de ROCKART part du constat que font les dirigeants d'avoir trop d'informations non pertinentes.
Il y a trois à huit domaines clés dans chaque activité qui conditionnent le succès, les performances et la compétitivité de l'entreprise (cela concerne les besoins des dirigeants au niveau individuel).
L'attention et la permanence d'observation des facteurs critiques nécessitent de mesurer leur niveaux constamment et donc d'avoir une échelle de mesure .
Cette méthodologie nécessite la mise en place d'une ou plusieurs bases de données dans lesquelles l'information sur les facteurs critiques est disponible et / ou le dirigeant peut puiser suivant les besoins du moment l'information utile - les Bases de Données sont les réservoirs d'information du SAM (Système d'Information d'Aide au Management).
La méthode BSP
La méthode BSP (Business System Planning) a été développée par IBM .
C'est une méthodologie générale de planification des Systèmes d'information devant permettre d'élaborer un plan informatique supportant les besoins en informations à court / moyen et long terme de l'activité et étant homogène avec le plan stratégique.
Pour IBM, deux objectifs sont visés :
Le premier objectif est de fournir aux vendeurs un inventaire intégral des applications qu'un client devrait mettre en place (objectifs de vente de matériels, de logiciels et de services).
Le second objectif est de permettre de voir la fonction management de l'information de façon globale, par le haut (démarche Top-Down) et de déterminer les ressources informationnelles et les bases de données nécessaires à la gestion de l'activité opérationnelle quotidienne.
Les travaux de KING , développés dans un article intitulé "Planification stratégique et informatique de gestion" consistent à projeter les différentes composantes de la stratégie de l'entreprise. Ce processus de transfert a la prétention de permettre à l'entreprise d'identifier des applications étroitement reliées à sa stratégie.
Au-delà du paradigme d'Anthony, la méthode BSP introduit les notions de management des ressources et de processus de gestion. Les ressources universelles à gérer sont :
le personnel,
les installations,
les matières premières,
l'argent,
l'information.
Avant lui, c'est J. FORRESTER qui mis en lumière les catégories de réseaux (flux fondamentaux de ressources matériel, personnel, outil de production, argent, ordre et information). Les contraintes à gérer sont déterminées par le produit fabriqué, celui-ci étant la ressource clé (les caractéristiques de son cycle de vie sont identiques aux autres ressources).
Chaque ressource est gérée au travers de niveaux réalisant un cycle de décision, de planification, de contrôle et de gestion. Un cadre conceptuel pour la définition d'une architecture de SI peut être établi. Il est fondé sur les ressources et les niveaux (voir tableau).
Ressources / Niveaux
Personnel
Installations
Matières 1ère
Argent
Information
Décision
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Planification
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Contrôle
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Gestion
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Fig. 5.1.4 Tableau conceptuel de la méthode BSP
Les processus de gestion constituent les activités génériques et les domaines de prise de décision de l'entreprise. L'ensemble logique des processus est défini pour toute activité.(ex : processus de gestion) :
le plan marketing (études, prévisions, politique de prix, etc...),
la comptabilité (la paie, les immobilisations, le calcul du prix de revient, la trésorerie...),
la finance et le contrôle de gestion (contrôle budgétaire, comptabilité analytique, actif financier).
Les processus de gestion peuvent être isolés pour décrire les grandes actions entreprises et les décisions prises pour gérer les ressources tout au long de leur cycle de vie.
Puisque chaque processus de gestion utilise ou crée des données, il est possible de construire une architecture informationnelle sous forme de matrice décrivant :
les processus simples,
les données utilisées ou créées pour chacun,
les applications pour automatiser et simplifier ces processus.
Cependant, la méthode du BSP ne prend pas en compte l'environnement tel que :
les réglementations gouvernementales,
le consumérisme et l'économie,
les relations sociales,
la concurrence,
la situation du secteur industriel et les tendances durables de ce secteur,
les fournisseurs,
les technologies.
Un point de vue nouveau tendrait à identifier les cibles d'opportunités pour l'informatique stratégique, dans la liste ci-dessus et que n'intègre pas le BSP.
D'autres méthodes telles que la méthode E.I. (Engineering Information) de MARTIN , la méthode Honeywell ou encore les méthodes des grands cabinets comptables et de conseil descendent en ligne directe de la méthode BSP.
Les méthodes Cartésienne
Les méthodes de conception de SI de la première génération sont basées sur les concepts et techniques de décomposition hiérarchique des processus et flux d'information (démarche Top-Down utilisant l'arborescence ex : la méthode IE "Information Engineering).
Elles apparurent dans les années 60 et restent les plus utilisées dans le monde. Ces méthodes associent au paradigme cartésien une approche fonctionnelle de conception (centrée sur l'analyse des fonctions et le traitement des informations).
Les méthodes cartésiennes consistent à éclater une fonction en décomposant et en modélisant les processus avec leur interactions.
La méthode "SADT" (Structured Analysis and Design Technique) notamment utilise la description des actions et leurs connexions par le concept d'Actigramme :
les actions sont représentées par des boîtes nommées,
les entrées sont les données exécutées par l'action,
les sorties sont produites par l'action,
le contrôle influence l'action,
les mécanismes représentent les ressources à disposition de l'action.
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Fig. 5.1. Schéma de principe d'un Actigramme - Modèle S.A.D.T.
Les méthodes Systémique
Ces méthodes de conception de SI sont centrées sur la modélisation des données combinant une approche conceptuelle au paradigme systémique (théorie des systèmes). Le Système d'Information "SI" est en relation avec le Système Opérationnel "SO" d'une part et d'autre part, son Système de Décision "SD" .
L'approche conceptuelle est centrée sur la modélisation des données (ex. : la Méthode Merise).
Le schéma conceptuel est le résultat de la modélisation des données à un haut niveau d'abstraction. Un modèle de donnée est un outil intellectuel qui permet d'obtenir de l'information à partir de l'interprétation des données.
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Fig. 5.1/2 Schéma de l'approche systémique
Les modèles dynamiques
Les modèles dynamiques apportent un complément par rapport aux modèles de données statiques précédents en ce sens qu'ils représentent le comportement dynamique des objets prenant en compte le rôle du temps et les aspects temporels en introduisant la notion d'événement. C'est une extension de la vue systémique des SI.
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Fig. 5.1/5 Schéma de principe : modèle descriptif dynamique
La méthode REMORA développée par C. ROLLAND et C. RICHARD suggère d'intégrer dans un même schéma conceptuel la modélisation de la structure et celle du comportement du futur système d'information sans dissocier les données et les traitements. Les objets varient dans le temps, ils changent d'état, ces objets ont des propriétés de structure (décrit ses intra et inter-relations avec d'autres objets) et de comportement (quand et comment il change d'état) suite à l'exécution d'une opération sur un objet provoquée par un événement qui survient à un moment donné.
La modélisation REMORA utilise les trois éléments objet - événement - opération (voir schéma). D'autres méthodes utilisent cette approche de la dynamique telles ACM-PCM, TAXIS, RML, SDM,RUBRIC...
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Fig. 5.1/6 Schéma de principe : Exemple d'un modèle dynamique (Méthode REMORA)