Préambule
Nous décrivons ci-dessous une méthode mise au point et expérimentée en France durant plus de vingt ans entre 1975 et 1995 qui, nous semble-t-il donne, parmi d'autres, des éléments de réponse pour le changement de l'être humain.
Cette méthode est restée jusqu'à maintenant relativement confidentielle d'une part pour mettre au point les outils et les valider sur une période suffisamment longue, d'autre part la formation des animateurs potentiels nécessite un temps ou eux-mêmes doivent réaliser des changements importants donc une compréhension "émotive" et pratique axée sur l'action et non purement intellectuelle des mécanismes en jeu.
La méthode SPIRALE a été mise au point progressivement par un groupe de personnes au milieu des années 70 avec pour objectif l'étude du potentiel de développement de l'être humain et une meilleure connaissance de soi fondée sur l'observation, le vécu et l'expérimentation des phénomènes d' attention au cours de travaux en petits groupes.
Cette méthode a permis de mettre au point deux cycles de formation intra et interentreprises animés par les consultants formés au sein de l'organisme de formation permanente qui diffuse la méthode. Ce cycle de formation et de développement personnel est centré sur l'étude dynamique des attitudes, des rôles, et du comportement mis en place par l'être humain dans les différentes sphères familiale, professionnelle et sociale.
Le développement de "l'appareil de la conscience" est expérimenté par la pratique de l'attention.
Ce cycle de formation se décline en trois modules dont le premier a pour objectifs la découverte de la méthode et de ses outils ainsi que le développement de l'observation de soi au travers des attitudes et des rôles propres à chacun. Le second est un module d'approfondissement de la méthode. Il a pour objectif de découvrir les fonctionnements de la personnalité, l'axe majeur est la reconnaissance de l'impact des différents conditionnements auxquels la personnalité est soumise en fonction des contextes dans lesquels elle évolue. Le dernier module de ce cycle propose par l'amplification de l'observation des mécanismes régissant la personnalité, l'étude dynamique de sa propre vie sous l'angle de la liaison entre les événements vécus et les "teintes émotives" qui leurs sont associées. Ce module offre la possibilité d'un réel changement par la compréhension profonde des éléments constitutifs de sa personnalité, il est proposé dans le cadre d'un séminaire résidentiel de 9 jours.
L'attention
La méthode SPIRALE définit l'attention comme un état dans un niveau. Le niveau est le niveau de travail de la conscience. Ce niveau se définit d'après les mécanismes qui s'opèrent au sein de la conscience.
Disons pour l'instant que pour traiter de l'attention, nous avons besoin de reconnaître différents niveaux de travail de la conscience et disons, pour simplifier, que nous savons le faire.
L'attention est un état dans lequel l'être humain expérimente une adaptation permanente de ses réponses face à son environnement. Cette adaptation se comprend comme un sentiment, une série de pensées, un ensemble de mouvements et une sensation. Seul l'individu qui le vit peut mesurer ces quatre aspects. L'attention est un état qui s'apprend puis se stabilise dans un processus dynamique.
Être attentif est véritablement l'enjeu de tout individu préoccupé par son évolution.
La méthode SPIRALE propose de nombreux exercices permettant de découvrir l'attention et de la pratiquer dans sa vie de tous les jours. Nous verrons, dans le paragraphe suivant, que ce travail de l'attention met en jeu le mental et le physique.
Un exercice simple est décrit plus loin, vous pourrez l'expérimenter.
Cette pratique ouvre une possibilité de changement décrite ainsi : j'observe et je change d'une manière concomitante car ma perception et ma réponse se transforment simultanément. Ici, nous évoquons la découverte de l'attention qui peut conduire l'être humain vers un processus évolutif dans lequel l'attention joue le rôle principal.
Nous pouvons dire d'une façon globale que cette pratique offre la possibilité d'appréhender comme un tout, l'ensemble des conditionnements mentaux et l'ensemble des tensions physiques internes et externes. Ce "tout" oriente les grandes tendances de la vie humaine avec une telle force que l'être humain qui les subit n'a pas de prises sur elles. Il ne connaît que la justification et non le choix réel.
Les attitudes
L'être humain développe une série d'attitudes face à son environnement. Si nous observons cette série d'attitudes, nous devons prendre comme point de départ le système de postures corporelles.
En effet, nous ne pouvons dissocier le mental du physique. Si le mental est le siège de conditionnements tels que la psychologie traditionnelle le considère, le mental est en relation avec le corps physique et nous pouvons supposer :
Hypothèse de travail N°1
Un conditionnement présent dans le mental s'exprime dans le corps.
Observons le système de postures corporelles, cette observation peut être faite par un sujet extérieur ou par la personne elle-même. Là se trouve la question fondamentale. Qui peut prétendre honnêtement observer quelqu'un d'autre avec une impartialité totale ?
La subjectivité existe, elle est démontrée et elle est incontournable lorsqu'un être humain observe un autre être humain.
Trouvons une série de techniques qui permettent à l'être humain de s'observer lui-même, la méthode SPIRALE propose un exercice qui consiste à "se rappeler" soi-même par l'intermédiaire d'un point du corps, par exemple :
Exercice :
Serrez votre point droit, serrez le très fort jusqu'à sentir une tension forte dans tous les muscles mis en jeu, relâchez-le alors et tâchez de garder la sensation du poignet droit bien que celui-ci soit détendu.
Un exercice apparemment anodin tel qu'il est présenté mais qui devient très compliqué lorsque l'animateur de cet exercice demande au bout de plusieurs minutes si les participants "se rappellent" encore de leur poignet droit.
Le but de cette technique est de montrer qu'on croit connaître son corps mais qu'en fait on oublie très vite sa présence, sauf lorsqu'il est malmené (ou tendu). Quel intérêt direz-vous, si mon corps est détendu ; c'est normal qu'il se fasse oublier. Or il est aujourd'hui prouvé que si quelqu'un en proie à une forte émotion arrive à "se rappeler" son corps (par l'exercice du poing par exemple), il arrive à modifier sa réponse dans un sens qui lui est favorable.
Nous expérimentons alors qu'une compréhension (observation de soi-même) accompagne nécessairement un changement d'attitude. Cette compréhension telle qu'elle est entendue là n'est pas une compréhension analytique ou intellectuelle comme la psychologie traditionnelle l'envisage mais plutôt une compréhension totale de toute la structure mentale et physique de l'être humain qui pourrait encore s'exprimer ainsi :
la perception des données extérieures se transforme tandis que s'opère simultanément une modification de la réponse donnée au monde. Cette réponse implique globalement l'individu dans son mental (modification du point de vue) et dans son corps (postures corporelles).
Cet état est appelé l'attention.
Les rôles
Toujours dans la description de l'être humain que propose la méthode SPIRALE, il convient de regrouper les attitudes observées précédemment en introduisant la notion de rôle. Nous avons dit que par une observation particulière (l'attention), l'individu arrive à appréhender des attitudes qui lui sont propres. Un travail plus poussé permet d'observer ces attitudes en dynamique (leurs relations entre elles) et de configurer des rôles différenciés, sachant que chacun de ces rôles est un ensemble d'attitudes.
Exemple :
Un rôle "paternaliste" est une somme d'attitudes variables suivant le contexte dans lequel l'individu se trouve (travail, famille, amis) mais reliées par un même fil conducteur d'ordre émotionnel et relationnel que nous appelons le "rôle". Ce fil conducteur est relationnel car il se révèle dans les rapports avec les autres et émotionnel car il se vit comme une teinte émotive tantôt positive (lorsque la réponse donnée au monde par le biais de ce rôle est adaptée au sens que lui donne l'individu) et tantôt négative (lorsque la réponse est inadaptée). Ainsi, nous disons que par le biais de l'attention, après une observation des attitudes, nous arrivons à une dimension plus émotionnelle qui correspond à l'observation des rôles pris comme ensemble d'attitudes.
Le comportement
Cette dimension émotionnelle amène à poursuivre le travail de développement personnel entamé par la pratique de l'attention. Nous avons parlé à un moment de "teinte émotive". Il s'agit d'une perception de l'état d'esprit ou état d'âme de l'individu : dans ce domaine, nous rencontrons des sentiments et des passions, ces sentiments et passions s'imposent comme éléments moteurs dans la conduite d'une action. Il est possible de mener une action quelconque avec une fluctuation remarquable de ces fameuses "teintes émotives".
Exemple 1 :
Qui n'a pas commencé quelque chose avec un grand enthousiasme pour le poursuivre par la suite avec un sentiment de résignation ? L'action continue d'être menée certes, mais l'individu enregistre des "hauts" et des "bas". Cet enregistrement fait ensuite partie intégrante de son vécu, c'est pour cela que nous nous permettons de dire que les sentiments et les passions s'imposent comme éléments moteurs dans la conduite d'une action.
En effet, une fois l'action menée à terme, son enregistrement (ou mémorisation) demeure.
On s'aperçoit alors que l'individu se souvient bien davantage des états d'âme (ces fameux "hauts" et "bas") qui ont accompagnés l'action que de l'action elle-même.
Exemples 2 :
Qu'est-ce que je me suis donné du mal pour en arriver là!
Tout semblait si facile au début et ça s'est compliqué par la suite!
La véritable question qui vient alors est de savoir réellement comment (et non pas pourquoi) ces "hauts" et ces "bas" s'imposent à l'être humain ? Lorsque nous amenons l'individu à parler véritablement de son passé, nous observons qu'il attache toujours beaucoup plus d'importance aux teintes émotives par lesquelles il est passé qu'à tout ce qu'il a réellement fait dans sa vie. Nous disons alors que les dimensions émotionnelle et relationnelle de sa vie lui ont permis de bâtir des rôles comme nous l'avons décrit plus haut et que l'ensemble de ces rôles constitue la trame même de sa vie passée et présente.
Par conséquent, cet ensemble de rôles défini par nous comme étant le comportement, emporte avec lui comme dans un tourbillon l'individu, lui faisant traverser des "hauts" et des "bas" d'une manière d'autant plus irrationnelle que l'individu utilise sa propre énergie pour les justifier à ses yeux et aux yeux des autres, négligeant un point essentiel: ce comportement construit à partir des rôles et des attitudes est purement mécanique et irrationnel, seule la pratique de l'attention permet une compréhension dynamique et consciente conduisant au changement.
L'appareil de la conscience
L'appareil du psychisme humain appelé conscience peut s'expérimenter de différentes façons. Dans les différents courants de la psychologie, nous comprenons par conscient l'ensemble des faits psychiques que l'individu sait reconnaître, identifier et reproduire. De ce fait, le conscient est opposé à l'inconscient. Cette définition de la conscience revient à expérimenter un niveau de travail de celle-ci qui s'appelle la veille. Ce niveau de veille est celui dans lequel se trouve l'être humain la plus grande partie de la journée lorsqu'il vaque à ses occupations et traite ses affaires avec le maximum de raison et de lucidité. Dans ce niveau, nous pouvons observer un mécanisme propre à la conscience qui est le mécanisme de réversibilité. Il permet à la conscience de "traiter" d'une part des données extérieures à la structure psychique : les perceptions (qui lui parviennent par l'intermédiaire des sens externes et internes) et d'autre part, des données lui parvenant de l'intérieur du psychisme, c'est à dire les données de mémoire. Cette "réversibilité" propre au niveau de veille permet, on le comprendra, d'agir dans le monde d'après son expérience, ses connaissances, son vécu et son savoir-faire.
La conscience est alors une sorte d'appareil coordinateur entre ces deux types de données. Elle produit une réponse vers le monde qui est elle aussi de quatre types, un sentiment (ou état d'âme), un mouvement, une pensée, une sensation. Cette proposition semble valide à première vue mais nous observons que dans la même situation externe, un individu transforme sa réponse jour après jour voire d'un moment à l'autre. Tout se passe comme si cette réversibilité évoquée n'opérait pas de la même manière suivant le moment. Parfois la réponse donnée va être adaptée et satisfaire l'individu, il aura l'impression d'avoir "bien fait" et en tirera une satisfaction profonde, parfois il se sentira au contraire fort mal et enregistrera un sentiment tout autre.
Une observation plus fine montre le rôle capital que joue la mémoire, parfois elle libère des données qui vont faciliter la réponse, parfois elle libère des données qui bloquent, inhibent, transforment la réponse vers l'extérieur. Ces mécanismes d'une très grande complexité intègrent dans leur mise en place toute l'existence d'un individu. Cette altération de la conscience explique "la dérive" des réponses de l'individu vers des solutions non satisfaisantes voire contraignantes.
Face à cette complexité, nous introduisons l'état d'attention qui s'oppose à l'état altéré dans lequel se trouve parfois la conscience au niveau de veille (on peut parler alors, de passage d'un niveau de veille avec bruit à un niveau de veille sans bruit). L'état attentif se caractérise par une pleine efficacité du mécanisme de réversibilité et favorise les réponses adaptées par une bonne synergie des données externes et internes au psychisme. Il existe d'autres niveaux de travail de la conscience qui ne relèvent pas de l'objet du présent mémoire. Parlons plutôt de la conscience elle-même définie comme appareil du psychisme et supposons une seconde hypothèse.
Hypothèse de travail N° 2
Cet appareil de conscience se développe au même titre que certaines écoles ou méthodes proposent un développement de la mémoire ou des sens externes. Si cette hypothèse est valable, alors il doit exister une méthode de travail permettant un tel développement. L'attention comme outil de stabilisation du mécanisme de réversibilité serait tout ou partie de cette méthode de travail.
Le jeu pris comme prétexte du travail de l'attention est une attitude. Cette attitude se caractérise par une envie de jouer plus forte que l'envie de gagner ou l'envie de perdre.
Pratiqué dans le respect de cette règle, le jeu renvoie le joueur à lui-même et à ses contradictions :
"j'ai dit d'accord pour cette règle et maintenant que je suis en train de perdre, je me fâche, je me vexe ou je fais de l'ironie!... "
La pratique de l'attention s'impose comme éclairage de ces contradictions pour les dépasser, par opposition à la concentration qui reviendrait à focaliser sur ces mêmes contradictions, c'est à dire : à les inhiber ou à les justifier comme pour les préserver et s'y accrocher davantage.